Palabre pour ceux qui ne savent, est un mot africanisé pour dire dispute, discussion, ennuis, rencontre…
Bon, je n’ajoute rien au petit robert, juste pour vous mettre dans le contexte. Dans certaines aglomérations africaines, surpeuplées par des jeunes désoeuvrés, des adultes au chômage et la prolifération de trafics en tout genre, les braquages sont monnaies courantes. Parfois orchestrés par surprise, ou même plannifiés par certains braqueurs viscieux et méticuleux, je dirais même proactifs ( j’aime bien ce mot)
La première fois que j’ai fait connaissance avec ce mot c’était en formation. Une formatrice qui l’utilisait à tout va. Il faut être proactif pendant les entretiens, proactifs à l’évaluation…., la seconde fois c’est moi qui l’est utilisé, contre la même formatrice qui me retenait deux jours de paie parce que je ne l’avais pas prévenue que je serais malade: je lui ai assuré que la prochaine fois je penserai à lui adresser un mail ou un fax afin de la prévenir de ma prochaine hospitalisation…enfin, je disais donc que certains braqueurs étaient champions de la proactivité. Ils vous écrivent quelques jours avant de passer à l’acte, histoire de gagner du temps.
« Cher Monsieur ou chère Madame, jeudi 25 août nous vous rendrons visite pour emporter tout ce que vous avez de plus précieux chez vous. Nous espèrons que vous serez prêts le jour j et que nous ne perdrons pas de temps chez vous.
Merci de votre compréhension »
Mais cette nuit là, lorsqu’ils ont frappé chez Moussa, il ignorait tout de leur visite, encore moins du but de la visite. Les braqueurs donnent de violents coups dans le portail, de quoi réveiller même les morts, mais là les vivants font les morts, voisins et mêmes policiers préfèrent ne rien entendre; quand ce n’est pas ton tour, tu cherches pas palabres.
Moussa se réveille en sursaut,
« Mon Dieu, les braqueurs, qu’allons nous faire? ».
Il tremble de tout son corps devant sa femme Fanta qui cherche où se cacher.
Les braqueurs tenus par le temps et impatients, enfoncent le portail, puis la porte de la maison. Il trouve Moussa en caleçon au milieu du salon.
Apparemment très surpris par l’irruption des trois gaillards dans sa maison, il s’adresse directement au chef de la bande avec tout le calme dont tout individu dans sa situation est capable.
« Mon frère, on dit quoi? »
Question à laquelle le braqueur répond:
« Tu oses même m’adresser la parole!! »
« Eh mon frère, dis moi seulement ce qui se passe. »
« Nous sommes venus te braquer, ça ne se voit pas? »
Et Moussa, ouvrant les mains comme celui qui ne comprend rien de ce qui lui arrive
« Ah , mais il fallait me le dire, vous auriez dû m’expliquer. Dans ça là y a pas palabre…. Si vous m’expliquez ce que vous attendez de moi, je peux vous faciliter la tâche. »
« Donc tu n’a pas encore compris? Je dis que nous sommes venus te braquer. »
« Maintenant j’ai bien saisi. Attendez je vous donne un coup de main. Par où commençons nous? »
Et voilà Moussa, qui rassemble fauteuil, bibelos, bijoux, tout ce qui valait la peine d’être emporté.
Les braqueurs n’en reviennent pas
« Mais qu’est ce qu’il est bête celui là. Il nous aide même à charger le camion, regarde comme il transpire..; »
Moussa s’active plus que les braqueurs, il court, il lève, il racle les fonds de tiroirs…
Le chargement terminé, Moussa s’adresse à nouveau au chef
« Mon ami, tu veux mon caleçon aussi, Je peux l’enlever maintenant. »
« Tu es malade, garde ton caleçon, idiot »
Sur ce, les braqueurs donnent les dernières consignes avant de quitter les lieux:
« Voilà c’est terminé, nous partons, mais garre à toi si tu alertes les voisins avant que nous ne soyons loin. »
» Je suis pas fou, tu m’a laissé ici, tu peux partir et revenir t demain tu me trouveras ici, au nom de Dieu »
Pourquoi chercher palabre où il n’y en a pas.
« Si vous revenez demain, je vous donne encore un coup de main. Bonne route mon ami. »
Une fois le camion des braqueurs loin, la femme de Moussa commence à pleurer, ses bijoux, ses pagnes, ses meubles, sans oublier au passage de traiter son époux de poltron, d’incapable, de… il a tout entendu!
» Ma chérie Fanta, on dit souvent que personne ne vient présenter les condoléances à la maman d’un poltron ou d’un malin, si je n’avais pas agit de la sorte, penses- tu qu’il nous auraient épargnés?
Et vous, êtes vous un Moussa ou Ulysse?
Je l’ai lu avec l’accent
c’est encore plus savoureux.
Et en tout cas, moi je suis Moussa.
Bonjour Dom.
Tu as raison de le lire avec l’accent. Pour partager ces histoires drôles avec un grand nombre, je me vois souvent contrainte de l’écrire en « vrai français » comme on dit au pays. Cela enlève parfois un peu de sens à l’histoire. Mais si le message passe, c’est l’essentiel.
Et puis tu as raison d’être Moussa. Il vaut mieux ça que Ulysse, condamné à rester loins de sa famille à cause de sa bravoure et de son inaptitude à contrôler ses colères…