Août 1995. Canicule sur la ville. Bonheur, inquiétude, incertitude, espoir, confusion…
Un brancard, non un lit à roulettes. Il est arrivé. Comme Antonio Banderas sorti de Two Much. Teint hâlé, cheveux emprisonnés dans un élastique, on pouvait deviner les muscles sous sa blouse.
Longue marche en silence dans les couloirs blancs, froids, sans vie. Puis l’ascenseur. Trop spacieux, trop propre, trop silencieux. Un silence pesant. Pas d’échange de mots, rien que leurs souffles qui occupent le vide.
Il s’acquitte de sa tâche. A toute heure de la journée, il pousse les lits à roulettes vers les ascenseurs.
La différence pour ce mois d’août 2005, c’est la descente vers le niveau -2.
Le Niveau -2?
Un niveau en dessous de 0. Pas bon signe. Ailleurs c’est le niveau réservé à la morgue. Ici c’est une lueur d’espoir. Le niveau -2 c’est là on sauve quelques vies.
C’est déjà vu. Comme dans un film. La prémonition. Tout défile comme dans un rêve d’il y a un an.
La peur. L’espoir, tout s’emmèle. Il fait froid, horriblement froid. un espace dépouillé. Comme si l’on n’avait plus besoin de rien. Pas ici. Ne pas dormir, ne pas fermer les yeux, dans l’espoir de voir le néant arriver. La peur, la foi, prier, prier de toutes ses forces.
Mais la peur prend le dessus.
L’inconnu accompli son travail avec douceur. Il s’applique à ne pas brusquer l’autre. Celle qui va occuper la salle du niveau -2.
Un regard plus insistant. Il a les traits doux, un visage d’ange. il sourit. C’est rassurant. Il reste près du lit. il parle pour la première fois. Il reconforte de sa voix douce.
Il n’a rien à faire là. Il pourrait faire la couverture de magazines de mode. Mais que fait il ici? Au niveau -2?
On brise la glace, ça aide à oublier.
Que faites vous dans la vie?
Il est étudiant. Mais ça n’a rien à voir avec ce qu’il fait en ce moment même. Il le fait pour survivre. Il a une passion. Elle ne le croit pas. Il est batteur, dans un groupe. Tous les été ils se produisent sur la côte. Elle ne le croit toujours pas.
Alors il arrache la page. Une page de magazine. Il lui montre. Il est là. un Banana sur la tête. Très passionné par ce qu’il fait. Elle le croit.
Il lui a dit. Un jour vous me verrez peut être. Je serai célèbre.Il est resté près d’elle toute la nuit. Ils ont parlé, elle n’a pas eu le temps de trop penser à son sort.
Il lui a donné plus que la vie. Elle n’y croyait plus. Il a su lui donner espoir. Il lui a tenu la main. L’inconnu du niveau -2.
S’il se reconnait, il ne se souviendra sans doute pas de la dame du niveau -2. Mais elle ne l’a pas oublié. Célèbre ou pas. Elle pense à lui et lui dit un grand MERCI.
Cette page arrachée de Gala est vieille de 14 ans d’où son état un peu usé. Elle a été conservée depuis la rencontre avec l’inconnu. Avant qu’elle ne soit complètement inutilisable, j’ai tenu à rendre hommage à l’Inconnu du niveau -2.