Ce n’est pas la fois où j’ai demandé qu’on me sorte de là. C’était un jour de grève comme on en a l’habitude.
Ce matin là, à l’allée, le train était bondé. Nous étions parqués telles des sardines. J’imagine que tous comme moi, priaient pour arriver entiers.
Nous arrivons enfin à destination. Oubliant pour les heures qui vont suivre que nous devrons faire le chemin inverse le soir.
Jours de grève! Rien de tel pour faire des rencontres. Ces rencontres que l’on voudrait n’avoir jamais faites.
A la fin de la journée, je cours comme une folle à la gare Saint Lazare pour attraper le train de 15 h 46, trop tard, il est parti.
Ce n’est grave, je vais faire un tour au kiosque acheter un magazine. Par bonheur ou devrais je dire par malheur, je me retrouve nez à nez avec une amie. Elle est assise dans un photomaton en train de converser avec un Monsieur.
« Tiens, que fais tu là? »
« Oh, le train n’arrive pas et je me suis installée ici; j’ai rencontré ce Monsieur qui me fait la cours. Je vais le présenter à ma jeune soeur qui est célibataire. »
« Bon, je vous laisse, je vais faire un tour. »
Je n’avais pas envie de me mêler de leurs histoires.
« Pourquoi? Reste avec nous. Allééééééééééééééé! »
« Bon, puisque tu insistes… »
« Voilà, prise au piège. »
Je reste donc avec eux. Nous discutons de tout et de rien, Monsieur veut passer une retraite paisible dans les îles ou en afrique. Moi je ne me sens pas concernée par tout ça.
Nous ne faisons pas attention aux annonces, le train est arrivé voie 12, trop tard, il est pris d’assaut. Nous nous faufilons parmi les autres voyageurs; je marche, toutes les portes sont saturées, mais il faut que je prenne ce train.
Je continue, puis je me mets à courir comme tout le monde, le Monsieur court aussi, et mon amie derrière lui. Puis il me rattrape, elle monte après nous, nous sommes serrés, au lieu de lui parler à elle, il s’adresse à moi.
« Tu promets ( il me tutoie déjà), tu promets que tu vas la convaincre hein, à propos du deal; je me demande de quel « deal » il parle.
« elle ne veut pas me revoir, moi je tiens à elle, promets moi de lui parler. »
Et moi calme au début, je promets, puis il insiste, « dis lui que je l’appelle dans la semaine. »
C’est promis (mince, il ne va pas me lâcher)
Je lève les yeux au plafond du train, le ciel étant loin. (pourvu qu’il me lâche les mocassins)
Je commence à avoir cette impression d’étouffer (je suis un peu claustrophobe et agoraphobe) et « dragophobe, ne cherchez pas celui là. C’est moi qui l’est invité. Je n’aime pas les dragueurs!
J’ai chaud, je peine à respirer, soudain:
« Elle me trouve trop jeune à son goût »
« Hein, qui ?
« Ton amie »,
« Ah oui »,
« alors parle lui s’il te plait ».
Les gens nous regardent, je lis sur leur visage que certains on compris mes difficultés, pas lui.
Je commence par ouvrir mon manteau, puis ma veste pour mieux respirer.
« Vous n’allez pas bien? »
« Non, je manque d’air »
« elle ne me parle plus »
« Qui? »
« TOn amie, elle n’est pas timide pourtant. »
« Mince alors, quel pot de colle! »
« Ecoutez, je ne me sens pas bien, je ne respire presque plus… »
« Ah oui dans ce cas là, le mieux c’est d’économiser ses forces »
« Justement, c’est ce que j’essaie de faire »
« Je n’ai plus envie de parler, je dois économiser mon souffle, alors comprenez que je ne veuille plus répondre à vos question ».
Je ferme les yeux, pour faire le vide autour de moi.
Station Stade, une passagère qui essaie de monter et une qui descend sont sur le point de se crêper le chignon, j’ouvre les yeux et là, il revient à la charge. Je referme vite les yeux pour ne plus le voir, ne plus l’entendre; je suis restée ainsi jusqu’à Sannois. J’aurais voulu qu’il disparaisse.
Ouf, il me dit au revoir en me faisant promettre de convaincre mon amie.
Mon dieu quel boulet!
Ah les grèves!
Elles nous font parfois vivre des moments insolites!