Il y a ceux qui ont été assassinés, puis ceux qui ont tout perdu, puis ceux qui sont toujours portés disparus. Et ceux qui sont en vie mais qui errent dans la ville de réfuge en refuge.
Pour les autres, la guerre est finie, le bunker détruit, des partisans assassinés.
Tout le monde prone la reconciliation et le pardon. Mais personne ne me dit ni où ni comment retrouver ma famille. Dois je demander à la force Licorne, à l’union européenne ou aux dirigeants du pays?
Lorsque quelqu’un m’aura répondu, lorsque je saurai avec certitude ce que sont devenus mes frères, ma tante, mes neveux, mes cousins…., trente deux personnes innofensives qui restent introuvables, je saurai pardonner.
Pour l’instant, je me couche tous les soirs en me demandant ce qu’ils sont devenus. je n’ai plus trop d’espoir. Surtout pour une, ma tante, trop âgée pour résister longtemps à la famine et la peur.
Le pardon et la réconciliation?
Des mots que je ne connais pas. Que je ne connais plus.
Mais qui suis- je? Un individu, dont la valeur a été réduite plus bas que celle d’un animal.
Le pardon? A qui pardonner? A l’homme invisible qui vient la nuit chez toi t’abattre parce que vous ne parlez pas le même langage? Ou à celui qui derrière un sourire d’ange, arme le bras du bourreau.
Mon coeur est asseché. Je vis avec cette rage de celui qui, impuissant, tire le trône pour celui qui piétine son potager. C’est la raison du plus fort.
Pardonner?
Laissez moi retrouver les miens, morts ou vivants, avant de me parler de pardon. Permettez moi de les offrir une sépulture s’ils en ont besoin. Ensuite, nous pourrons nous serrer la main. Qui sait?
La bonne nouvelle dans toute cette boucherie, c’est la réapparition de mon père, 85 ans. Il a marché deux jours, avec un de ses petits fils, pour se réfugier chez l’une de mes soeurs. Comme dans » le choix de sophie« , mon neveu a dit : nous sommes trop nombreux, nous ne pouvions pas tous venir nous réfugier chez ma tante. Alors lui seul a escorté mon père au milieu des sifflements des balles. Sa mère et ses autres frères ont choisi de fuir ailleurs. Nous sommes sans nouvelles pour eux aussi.
Alors qu’on ne me parle pas de reconciliation ou de pardon.
Je ne sais plus quoi te dire … mais sache que les années à te lire m’ont permises de t’apprécier, et tes angoisses, ta douleur me touchent comme si tu étais une amie. J’espère de tout mon coeur que ta famille est en lieu sûr, et que tu pourras nous donner de leurs nouvelles le plus rapidement possible. Bien sincèrement.
Il faut beaucoup de courage pour venir faire part de tels témoignages si atroces et qui semblent irréels. Merci de prendre la responsabilité d’informer les gens qui ne savent rien de tout ça. Je suis venue régulièrement me tenir informée et me rendre compte avec stupeur que la réalité est pire que ce qu’on veut bien en dire. Tes articles sont tellement loin de ce que disent les JT. Encore merci et surtout fais front, garde le cap pour ta famille où qu’elle soit.
Merci labi pour ton soutien,
C’est vrai, la presse dit ce que tous ont convenu de dire et montrer, pour la majorité, tout est terminé et rentré dans l’ordre et il n’y a plus rien à voir là bas; mais tous ne disent pas que les combats font toujours rage dans une partie d’Abidjan, à Yopougon et que l’exode de certains et la chasse « aux sorcières » continue.
Je promets de vous informer s’il y a de bonnes nouvelles; En attendant je prie.
Je l’espère aussi Viva. Mais l’espoir reste désormais minime. L’avenir nous le dira. Je ne manquerai pas de vous informer là dessus.
Je prierai avec toi Willy. Profite que tu sois vivante pour témoigner sans relâche même si c’est dur. Tous ces innocents ne méritent pas qu’on passe sous silence la vérité, qu’on banalise ces faits odieux. Personne ne devrait accepter cela!
Merci encore Labi.
Je n’arrêterai jamais de témoigner. C’est la seule façon d ‘exorciser ce fléau qui frappe mon pays et principalement l’ouest du pays depuis 2002.
Il n’y a que ça qui peut aider à évacuer toute cette souffrance.