Offensive généralisée à l’ouest : l’exode continue

Quelques bonnes nouvelles temporaires  :

Le groupe parti de l’ouest, après un long périple, est arrivé à la capitale retrouver mon père. Maintenant ils sont à la recherche d’un endroit plus sûr où se réfugier.

Eh oui! ils en sont arrivés à être des réfugiés dans leur propre pays. Et Obama, Juppé et les autres continuent de clamer que ce n’est pas assez. Il faut intervenir comme en Lybie, bombarder s’il le faut. C’est pour le bien du peuple ivoirien!!!

Les gens meurent par manque de soins, ils meurent de faim, mais ce n’est pas assez. Il faut asseoir la démocratie, leur démocratie en côte d’ivoire. Il faut armer Goliath, Il faut massacrer de pauvres innocents, c’est pour la bonne cause.

La bonne cause de qui au fait?

De mon père, de tous ces gens qui ont servi sous le drapeau français et qui ont été remerciés comme mon père l’a été. Il ne peut toucher sa retraite depuis plus de quatre mois parce que des têtes bien pensantes ont décidé de leur sort ainsi que de celui de leurs familles.

Je reviens souvent à ma famille. Je vis leur réalité, je peux prouver, justifier, mais  ma plume parle aussi pour tous ceux dans le même cas qui n’ont pas d’ordinateur, ni internet.

Revenons donc à ma famille.

Partis tard dans l’après midi de jeudi, ils n’ont pas pu traverser Duékoué. Ils ont été obligés de dormir dans une scierie, à la belle étoile, à l’entrée de la ville. Lorsque j’ai pu leur parler le lendemain, ils étaient loin de duékoué. Epuisés, ça s’entendait à la voix.

Ma belle mère m’a dit:

Nous avons faim, mais ce n’est rien. Par contre nous étions morts de trouille. Comment dormir dehors, dans une scierie, à l’entrée d’une ville occupée par ceux que vous fuyez?

Hier, c’était la réunion familiale pour décider de la destination prochaine.

Dans la fuite, il y en a une qui a décidé de partir vers le sud ouest. Mauvais calcul. après un moment de colère, j’ai fini par être plus compréhensive. Elle a 75 ans.  Ce n’est pas sa faute. Nous aurions voulu la faire revenir vers la capitale mais, ne connaissant pas la ville, accompagnée de quatre enfants jamais venus en ville, c’est trop risqué.

Et puis elle a répondu :

« Je ne bouge plus d’ici. Si les rebelles attaquent (et ça ne devrait pas tarder), ils ne nous tueront pas tous. Il y a sûrement des survivants, je suis épuisée, malade, alors je reste là.

Mes nièces s’ont arrivées saines et sauves à leur destination temporaire, après deux jours de voyage, dans un village qu’ils ne connaissaissent pas, avec des gens qui ont bien voulu les recueillir.

Et tout ça au nom de la démocratie. Une démocratie qui compte les morts d’un camp et pas ceux de l’autre, une démocratie qui reste aveugle alors que la capitale se vide, que les commandos ou autres sévissent, une démocratie qui est à sens unique.

Ma meilleure amie me disait hier, désespérée, que les rebelles, je parle des vrais rebelles, sont installés dans la concession de son père. Tous ses biens spolliés. Elle a enterré son père il y a six mois. Et elle est outrée d’apprendre qu’ils ont ouvert la chambre du défunt (ce qui ne se fait pas avant la date anniversaire de sa mort).

J’ai fait du mieux que j’ai pu pour la réconforter.

Le pire c’est que au dire des locataires (une partie de la concession était en location), les rebelles ont décreté qu’ils sont les nouveaux propriétaires et que à la fin de la guerre, il faudra que la famille de mon amie rachète la concession. Mais tout ça c’est normal, Osbama peut fustiger le peuple ivoirien, ils peut les menacer de réprésailles, ce ne sera pas pire que ce qu’ils vivent maintenant.

Pour finir,  ma journée a très mal démarré. Ma mère, mon frère et sa famille. Alors que nous avons trouvé un tansporteur, un endroit où se réfugier,  remplit le réservoir du transporteur, ma belle soeur a décidé qu’elle ne part avec eux. Raison de se révirement, elle ne connait pas l’endroit. Bon j’avais oublié qu’elle avait un pied à terre quelque part ou qu’elle organisait un voyage d’agrément.

J’étais histérique au téléphone. Du coup j’ai dit à mon frère de divorcer ou de rester pour attendre les rebelles avec elle. J’ai menacé ma mère de faire comme eux puisqu’elle ne veut pas se séparer de son fils ni de ses petits enfants.

Je les adore mais voilà deux semaines que nous cherchons une solution. Et voilà qu’elle nous balance 30 euros (le prix du carburant). lls auraient pu survivre avec cette somme pendant deux semaines en temps de guerre.

Ce soir, ils en sont à chercher la famille de ma belle soeur parce qu’ils se sentent responsables d’elle.

Moi je suis peut être égoïste et sans coeur, mais quand on a dépensé énormément d’argent en téléphone et en mandat pour les sauver, quand madame se débine le matin du départ, il y a de quoi perdre le nord.

S’ils se font rattraper par la généralisation des conflits, je m’efforcerai de ne pas avoir de remords.

Bonne soirée à tous.

Dileme:partir ou rester?

Nous avons trouvé un moyen d’aider financièrement ceux qui sont là bas, pris en otage par cette guerre sans nom.

Aujourd’hui, il est question de décider quoi faire. Pour échapper aux lance rockets et compagnie, il faut trouver un autre endroit, s’il en reste, où ils seront un peu en sécurité.

Le choix est aussi vaste que les risques encourus. Impossible d’aller vers l’ouest,chez eux, en ce moment, ça ressemble à Bagdad: villes et villages détruits, des habitants en fuites ou assassinés ( ça aussi ce n’est pas nouveau, mais le TPI n’en a que faire)!  Pour ces petites villes aux sous sols riches en or et diamant, le terrain de jeu est idéal pour les armées appelées à la rescousse de Goliath. Il faut mâter les davids.

Toutes les statistiques sont pour Goliaths. A croire que ceux qui meurent en face ne sont pas des êtres humains.

Bref, ils n’iront pas chez eux à l’ouest. Ils pourraient aller vers le sud ouest. Le problème, c’est que par là bas, les combats font rage entre population et armées étrangères qui essaient de débarquer pour instaurer une démocratie. Il y a cependant une chance infime. Ne pas faire de mauvaises rencontres. Et passer la frontière jusqu’au libéria.

L’autre option, c’est de partir vers l’est, que mon père connait très bien pour y avoir travaillé comme infirmier de brousse. Probablement deux jours de voyage en faisant une boucle afin d’éviter les mauvaises rencontres.

Mais ce n’est pas là le plus important dileme, Mon père ne veut pas fuir en laissant sa famille dispersée. A Abidjan la capitale, ils sont au total sept familles de la même branche. Donc environ trente individus de la même lignée. Alors certains refusent de partir ensemble. C’est comme pour l’avion où il est souvent conseillé de ne pas faire voyager tous les membres d’une même famille par un seul vol.

En cas de guerre, c’est pareil. Ma nièce ne craint pas de se faire tuer, mais de voir presque toute sa famille disparaître. Mon frère n’est pas en reste. Il est catégorique, ne veut pas prendre le même convoi que les autres. Ce sera sans doute chacun pour soi, Dieu pour tous, s’il est encore là. (pardon, je perds un peu la foi depuis quelque temps)

Nous avons jusqu’à ce week end pour décider. Mais qui peut prendre une telle décision pour les autres?

Moi assise devant mon ordinateur à Paris? Je n’ai pas envie de les voir tomber sous les balles de l’Onuci, de l’armée ivoirienne, de l’Ecomog, ou des soldats bangladesh, ni du commando invisible. Je ne souhaite pas non plus qu’ils périssent tous en chemin en voulant  gagner un sursis improbable.

Nous allons peut être les aider financièrment et laisser chacun décider de sa propre vie.

N’est ce pas qu’elle est très franche et belle la démocratie?

Envahir un pays au nom du droit et de la liberté, un droit que j’ai du mal à comprendre. J’ai l’impression que cette bataille n’est plus une bataille d’ivoiriens mais un bataille des AUTRES.

La vérité est à sens unique et le monde détourne le regard pour ne pas se sentir coupable.

L’histoire finira un jour par triompher. Le problème c’est que notre histoire à nous est toujours étouffée ou arrangée pour convenir aux bonnes gens.

Voilà pour ce matin. Le marathon va démarrer à neuf heures.

Joyeux week end à vous.