Après la guerre : les médias retrouvent leurs plumes

La guerre a eu lieu avec ses morts, ses massacres, ses bombardements…

Et soudain, ils retrouvent l’ouïe, la parole, la mémoire, et leurs plumes. Cela peut nous reconforter, pas ramener les morts, ni la confiance en l’Humanité ou aux rapports entre humains. Oui on peut toujours dire « c’est mieux que rien ».

Mais mieux pour qui? Pour nous qui avons survécu à cette horreur par procuration? Mieux pour ceux qui l’ont subie? Et qui continuent de subir en silence? Qui peut avoir une quelconque préférence pour le mieux d’aujourdhui, d’il y a quelques semaines, lorsque subitement certaines presses commencent à parler de guerre et massacre en Côte d’Ivoire, alors que pendant trois mois, nous avons subi les messages en bloucle qui n’accablaient qu’un individu, lorsque des gens tombaient sous les balles à l’ouest, à Abidjan, dans tout le pays?

On nous parle de 1000 morts à Duékoué. Croyez vous que l’Ouest se limite à Douékoué? Et les villages entiers brûlés avec leurs habitants  au delà de duékoué? Ce sont des chiens peut être? Pourquoi ne sont-ils pas sur le terrain? 1000 morts pendant la prise de l’ouest, on le leur a souflé ou ils y sont allés pour constater l’information?

De toutes façons nous n’en sommes plus là? Ils peuvent mener leurs enquêtes, réduire le nombres de morts à trois ou à zéro, qu’est ce que cela va changer pour les survivants?

Rien du tout. On peut se donner bonne conscience en publiant aujourd’hui ce que tout le monde disait depuis le début, ce que tous savaient mais taisaient pour ne pas être mis à l’index.

Toutes ces vérités,  il aurait fallu les dire avant le bombardement, avant les décisions de l’ONU, l’ONUCI et compagnie. Ces vérités, il aurait fallu les dire à l’Assemblé Nationale, il aurait fallu les faire lire à la population. Les informer. Ils le découvre aujourd’hui alors qu’ils se sont fait une opinion autre pendant les trois mois du conflit ivoirien.

Merci tout de même d’essayer de dire l’autre vérité aujourd’hui même s’il est un peu tard pour beaucoup.

Pour ceux que cela peut intéresser, l’Humanité a écrit :

L’onction du sang à Abidjan

Stephan Oberreit : « Les Guérés étaient pris pour cible »

http://humanite.fr/24_05_2011-stephan-oberreit-%C2%AB-les-gu%C3%A9r%C3%A9s-%C3%A9taient-pris-pour-cible-%C2%BB-472881

Témoignages : « Ils leur on demandé de présenter leur carte d’identité. Puis, ils ont exécutes »

Plus de 1 000 morts dans l’ouest de la Côte d’Ivoire selon l’ONU

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/05/26/plus-de-1-000-morts-dans-l-ouest-de-la-cote-d-ivoire-selon-l-onu_1527839_3212.html#xtor=RSS-3208

Epuration ethnique

Nous n’oublions pas ceux qui sont tombés!

Le nouvel observateurs du 12 mai 2011 dénonce une épuration ethnique à l’ouest.

C’est gentil et courageux de leur part même si je dirais qu’ils font les médecins après la mort. Ce n’est pas un jeu de mots uniquement, mais la réalité.

Il y a eu des massacres dans tout le pays. Ils le savaient tous et tous se sont tus, tous ont feint d’ignorer ou de voir ce qui se passait.

Tous et pas un seul n’avait plus aucune conviction politique ou humanitaire.

Ils se sont bouchés les oreilles, les yeux.

On peut leur dire merci tout de même d’écrire enfin quelque chose. Même si cela ne ramènera pas les morts.

Le nouvel observateur du 12 mai parlait donc d’épuration ethnique.

Un extrait de la note de Théophile Kouamouo vous en dira plus. Moi je suis vidée, anesthésiée, résignée et haineuse. La vie suit son cours et je regarde les autres, ceux là qui ont applaudi les massacres, ceux qui ont cautionné toutes ces tueries, de façon active ou passive.

Si dieu était un parti politique, je me demande aujourd’hui si j’y adhérerais. peut être y reviendrai je un jour. Quand on est élevé dans la religion, on reste imprégnée d’une maxime qui prône le bien rendu pour le mal. pour le moment, j’en suis incapable.

Oui. Laissons le temps faire, et je vous dirai si Dieu ou ceux qui dirigent le monde d’aujoud’hui, réussiront à fermer cette plaie.

Cliquez sur cet extrait, vous aurez l’intégralité du texte.

« Carrefour est le premier quartier sur leur chemin. Ils encerclent les maisons. Les hommes sont triés, leur carte d’identité examinée. Un nom malinké : la vie sauve. Une carte d’identité ivoirienne, un nom guéré : une balle dans la tête. Dehors les femmes sont à genoux. « Ils nous forçaient à chanter leur gloire, à répéter : « Guerriers ! Guerriers ! », dit Julie, une habitante. Les assaillants se divisent en trois groupes : « Les tueurs, les pillers et les gâteurs… Les gâteurs, c’est ceux qui arrosaient nos maisons d’essence avant de mettre le feu. » Un curé et ses enfants de choeur sont surpris devant l’église : « Quel est ton parti ? – Le parti de Jésus-Christ. – Jésus-Christ ? C’est pas un parti » Ils sont abattus. Au milieu des cris et des explosions, les assaillants insultent leurs victimes : « Vous avez voté Gbagbo !

Democratie tueuse

Elle s’appellait Martine.

Elle s’en est allée, avec ses deux petits anges,

Tous les trois victimes de la DEMOCRATIE TUEUSE;

Les droits de l’homme ne les connaissaient pas.

Ces droits de l’homme qui ont justifié des bombardements

Ils s’en sont allées,

Personne n’a demandé leur avis,

Ils n’avaient pas la tête qui convenait, ni le bon faciès,

Martine et ses deux enfants étaient des sous hommes,

Ils n’avaient pas droit aux droits de l’homme.

S’ils ne sont plus de ce monde,

Cela ne regarde personne, surtout pas les défenseurs des droits de l’homme.

Mais je suis désormais sereine.

Je sais qu’ils ont péris sous les balles des gens

 Dont ils ignoraient l’existence jusqu’àlors.

Ils s’en sont allés sans avoir compris ce qui leur arrivait.

Mais ils ne seront plus là pour assister à la misère et à la souffrance des leurs

Cela ne fait que commencer.

Mais c’est mieux ainsi.

De pouvoir faire le deuil des siens.

Deux petits anges s’en sont allés avec Martine

Qu’ils reposent en paix!

Quant à la DEMOCRATIE TUEUSE

Elle connaitra peut être un jour, le retour du bâton.

Ce n’est sans doute qu’un rêve, qui sait

Avec des CORPS vides d’humanité et d’âme

Camoufflés derrière des lance rockets,

des armes lourdes,

cachés derrière les rois de ce monde,

Que peut t-on attendre de plus?

Rien, que la haine, la soif de pouvoir,

L’avilissement de l’autre

Le profit.

Demandez vous ce que vous feriez si les victimes,

Ces enfants, ces femmes étaient les votres?

Mais cela, n’est point votre soucis.

Pardon et réconciliation

Il y a ceux qui ont été assassinés, puis ceux qui ont tout perdu, puis ceux qui sont toujours portés disparus. Et ceux qui sont en vie mais qui errent dans la ville de réfuge en refuge.

Pour les autres, la guerre est finie, le bunker détruit, des partisans assassinés.

Tout le monde prone la reconciliation et le pardon. Mais personne ne me dit ni où ni comment retrouver ma famille. Dois je demander à la force Licorne, à l’union européenne ou aux dirigeants du pays?

Lorsque quelqu’un m’aura répondu, lorsque je saurai avec certitude ce que sont devenus mes frères, ma tante, mes neveux, mes cousins…., trente deux personnes innofensives qui restent introuvables, je saurai pardonner.

Pour l’instant, je me couche tous les soirs en me demandant ce qu’ils sont devenus. je n’ai plus trop d’espoir. Surtout pour une, ma tante, trop âgée pour résister longtemps à la famine et la peur.

Le pardon et la réconciliation?

Des mots que je ne connais pas. Que je ne connais plus.

Mais qui suis- je? Un individu, dont la valeur a été réduite plus bas que celle d’un animal.

Le pardon? A qui pardonner? A l’homme invisible qui vient la nuit chez toi t’abattre parce que vous ne parlez pas le même langage? Ou à celui qui derrière un sourire d’ange, arme le bras du bourreau.

Mon coeur est asseché. Je vis avec cette rage de celui qui, impuissant, tire le trône pour celui qui piétine son potager. C’est la raison du plus fort.

Pardonner?

Laissez moi retrouver les miens, morts ou vivants, avant de me parler de pardon. Permettez moi de les offrir une sépulture s’ils en ont besoin. Ensuite, nous pourrons nous serrer la main. Qui sait?

La bonne nouvelle dans toute cette boucherie, c’est la réapparition de mon père, 85 ans. Il a marché deux jours, avec un de ses petits fils, pour se réfugier chez l’une de mes soeurs. Comme dans  » le choix de sophie« , mon neveu a dit : nous sommes trop nombreux, nous ne pouvions pas tous venir nous réfugier chez ma tante. Alors lui seul a escorté mon père au milieu des sifflements des balles. Sa mère et ses autres frères ont choisi de fuir ailleurs. Nous sommes sans nouvelles pour eux aussi.

Alors qu’on ne me parle pas de reconciliation ou de pardon.

Blue Helmets and france army bombing civilians in Ivory Coast

BLue helmet bombers

Et ce qui doit arriver arriva.

Les casques bleus, l’armée française et les rebelles massacrent la population.

Hier, j’étais la femme au bord de la crise de nerfs. Entre pleurs, cris et messages mails et forums, je ne suis pas sûre d’avoir pleuré toutes les larmes de mon corps. Une de mes amies est sous temesta, moi je me dope au doliprane, le courage manque par moment. Mes enfants ne savent plus que faire. Ce soir mon frère m’a appellé, il courait, il courait pour aller je ne sais où. Après les tueries d’il y a deux jours, on leur a promis pire. Alors il a bravé sa peur pour tenter de retarder sa mort.

Il a réussi, pour l’instant. réussi à aller se réfugier un peu plus loin. Mais demain, le « un peu plus loin » sera peut être sa tombe.

Pendant que les casques bleus, les légionnaires et la force licorne bombardent le pays (ils ont déjà fait plus de 2000 morts en deux jours) pour instaurer leur démocratie.

Demain est un autre jour.

PS: à ce Monsieur, l’historien qui déclarait hier à la télé de grande écoute, que le café et le cacao, » ça pousse n’importe comment en brousse », je dirais qu’il doit lire un peu plus, et s’informer avant de faire ce genre de déclaration à la télé. Je me demande même s’il sait à quoi ressemble un cacaoyer ou un caféyier. Si le café et le cacao poussaient n’importe comment, certains, qui nous le volent aujourd’hui, attendraient que ça pousse « n’importe comment » chez eux.

Quant aux titres fonciers. Lorsqu’on nous déclare, toujours le même individu que le temps est révolu où l’on détient des terres sur des générations, je réponds encore que la royauté n’existe plus ici depuis longtemps pourtant, nous avons tous les descendants des rois qui sont propriétaires de leurs chateaux, leurs domaines et leurs terres.

Alors, les terres de mes ancêtres resteront mes terres tant qu’il me reste encore un souffle de vie. Aucune loi ne dit que après avoir égorgé des populations, n’importe qui avait le droit de s’installer où bon lui semble.

Et enfin, les massacres banalisés à l’ouest sous prétexte que c’est la guerre.  J’ai vu cette horrible vidéo hier soir qui montrait un pauvre homme qui pourrait avoir l’âge de mon père, qui se faisait flamber comme un méchoui.

Alors, à ces Messieurs, je dis, lorsque vous n’avez rien à dire, inutile de venir sur des plateaux télé pour déverser des inepties.

Ouest ivoirien : des milliers d’ivoiriens fuient les combats

Ce que la presse en dit :

Des milliers d’ivoiriens fuient les zones de combat

Communiqué de Guillaume Soro

Soro appelle à l’assaut sur Guiglo

Je vous laisse faire la revue de presse vous même. Ce que je souhaite préciser c’est que lorsque vous entendrez parler de Toulépleu, de Péhé, de Blolékin, de Doké, ayez une petite pensée pour ceux qui ont fuit, pour ceux qui ont perdu tout ce qui pouvait rester de leurs misérables vie. Ces grands parents de 70 ou 80 ans, qui ont bravé les dangesr de la forêt, pour échapper aux massacres sans nom.

Ayez une pensée pour ces villages de parfois 300 habitants seulement où l’on ne fait aucun cadeau sous prétexte qu’ils abritent des « rebelles » ou des mercenaires.

A l’heure où je vous parle, j’ai fait un deal sur ma facture de téléphone. Pourquoi?

Simplement parce que ça va me coûter énormément, ça me coûte déjà énormément.

Pourquoi?

Pour faire mes statistiques à moi. Je citerai les villages, au risque de me faire passer pour une rebelle ou un mercenaire.

Kambli : village natal de mon père. Mon oncle, 85 ans, a fuit pour la seconde fois vers le Libéria. Et il n’est pas le seul. Mon demi frère, a fuit vers guiglo, pour rester avec sa famille, la mienne. Et je ne cite que ceux là.

Toulépleu, où je suis née, il n’y a plus rien. tout a été détruit. Pour les membres de la famille élargie que je ne fréquentais plus, nous n’avons pas cherché à savoir.

A Péhé, je sais qu’il y a eu beaucoup de morts. Une autre partie de ma famille est là. Ma grand mère, la mère de ma mère est née là. Mon arrière grand père est entérré là, son caveau est juste devant chez lui. Cette maison où j’ai grandi, les champs où j’ai couru petite, les rivières où j’ai pêché. Plus rien ne sera comme avant; plus rien ne l’était déjà depuis 2002.

Aux dernières nouvelles, plusieurs morts,  je n » ai même pas demandé qui,  l’histoire se répète, on affirme qu’il y a des rebelles, que les cadres de la région sont tous mercenaires, on ne fait pas de cadeau. La poplution est obligée de fuir ses terres pour échapper aux massacres. Ils savent comment ça se passe.

Mého a connu le même sort. Puis BLolékin?

Tuambly: chez ma mère, parce qu’elle est née là. Son père vient de là. Un village que vous visitez en  cinq minutes. Détruit. Perte en hommes et matériel, pour ce que les pauvres villageois ont en matériel.

Tinhou a connu le même sort.

ma cousine a pu tracer son père grâce au portable. Fuite vers le libéria: âge, 76 ans. et il n’est pas le seul dans cette situation.

Aujourd’hui, on crie à l’assaut de Guiglo. Guiglo c’est la ville où s’est installée une partie de ma famille depuis la retraire de mon père et la guerre de 2002. Mon père : 85 ans. Malade, à la capitale depuis plusieurs mois pour se faire soigner; sa famille, la mienne, bloquée  parce que les tirs ont démarré le jour où j’ai transféré de l’argent pour leur permettre de survivre temporairement, étant donné que mon père, ainsi que des milliers d’autres fonctionnaires à la retraite, ne peuvent plus rien faire pour leur familles: les banques et les bureaux de paiement sont fermés. Embargo oblige.

Hier encore nous en étions à chercher un moyen pour les faire partir de là avant l’assaut. En attendant, ils sont terrés chez eux. Pour ceux là, je ne donnerai pas trop de détails. Je n’ai pas envie que leur domicile soit pris pour cible sous prétexte qu’ils sont mercenaires à la solde du président sortant.

J’ai la migraine. Mon cerveau doit tourner au rythme d’un logiciel. Parce que un humain comme moi, n’est pas à même de penser, d’organiser, d’occulter, de consoler, de pleurer.

Oh j’ai dit que je ne pleurerais pas, que je suis blindée cette fois. J’ai failli à la règle hier matin. Lorsque ma soeur a appellé en pleur.

Le dilemme, c’est une de nos tantes a proposé d’en aider quelques uns. Elle s’est engagée à payer leurs billets pour fuir vers le sud ouest. Le problème c’est que de deux de mes demi frères, elle n’a choisi que le plus jeune. L’aîné suppliait ma soeur d’intervenir en sa faveur afin qu’on ne l’abandonne pas à Guiglo.

Il a fini par gagner. Il est parmi ceux qui ont quitté la ville. Les autres sont restés en attendant que je trouve une solution.

L’assaut de Guiglo ne devrait pas les trouver là. Ce serait fatal.

Voilà ce que je pense de tout ceci.

Je ne suis pas journaliste. Je ne suis pas mercenaire. Je dis ma réalité à moi. Et ce n’est pas calqué sur les autres, pour faire plaisir aux autres. Ma réalité c’est des hommes, des femmes, des enfants, bientôt morts, peut être survivront ils, qui vivent la vraie situation, pas celle qui justifie une intervention militaire étrangère ou pas.

Un de mes frères, parti vers l’est depuis lundi. Jusqu’à ce jour, nous sommes en attente de son appel.

Bonne journée.